22-01-2024 09:05:00
Chaîne de valeur
La chaîne de valeur est cette articulation des activités d'une entreprise qui mène de la naissance d'idées à leur concrétisation et à leur consommation.
De la génèse d'une conception, d'un rêve, d'une vision, à sa réalisation concrète, soit une série d'étapes s'enchaînent par lesquelles la valeur de l'idée se matérialise de plus en plus, jusqu'à l'étape ultime de sa réelle concrétisation mais aussi de sa mise à disposition (vente, distribution, … ) : le moment où la valeur réelle se cristallise vraiment [1] .
Une entreprise possède autant de chaînes de valeur qu'elle possède de domaines d'activité stratégiques (DAS) (Business Units, en anglais). Par exemple, dans une banque vous pouvez faire connaissance avec une chaîne de valeur dont le sujet est le crédit "entreprise", une autre chaîne de valeur pour les crédits à la consommation, une autre encore pour les crédits hypothécaires, enfin une autre pour les paiements, pour les cartes, etc.
Il n'est pas rare que plusieurs chaînes de valeur, pourtant distinctes, soient rassemblées en une seule qui chapeaute un ensemble de sujets. Par exemple, une banque peut décider de regrouper toutes les chaînes de valeur ayant trait au crédit en une seule.
Ce qui nous importe, en matière de Transformations Digitales, ce n'est pas tant la formation des chaînes de valeur que leur existence en tant qu'organes de l'entreprise puisque l'épine dorsale digitale à mettre en place doit pouvoir tous les connecter.
Lorsque plusieurs chaînes de valeur co-existent se pose la question sensible de la priorisation des ressources de l'ensemble de l'entreprise pour tenir compte de chaque Business Unit, de son rythme, de son contexe, de ses objectifs et de sa contribution générale à la stratégie globale. C'est d'ailleurs le cœur même de la préoccupation de ceux qui doivent mettre en place les périlleux exercices de sélection des idées ou projets.
J'ai déjà , à titre de simplification, présenté la vue suivante de la logique d'interaction : au-dessus, le niveau "Exécutif" (que j'appelle le niveau Aspirations) et en-dessous, le niveau «Usine» ou niveau «Factory» (qui, au final, nous place des oeillères sur la simple construction ou assemblage. C'est effectivement une façon très élémentaire d'aborder le cadre d'une chaîne de valeur.
Encore très sommaire, mais nous amenant à une compréhension plus générale des activités qui se suivent dans une chaîne de valeur, j'ai été amené pour une banque/assurance à développer la vue suivante :
Voici le même schéma, renversé cependant, auquel j'ajoute la partie Opérations pour désigner en un fourre-tout, l'ensemble des activités qui prennent place après la construction, un schéma qui me sert habituellement en matière d'Agilité pour positionner correctement le spectre d'action de l'Agilité (type Extreme Programming ou Scrum [2] ) comparée à celle du mouvement DevOps ou comparée au champ d'action de Lean).
Chaîne de valeur de Porter
La chaîne de valeur illustrée ci-dessus est mieux représentée dans ce schéma mais est encore incomplète si on la compare au schéma qu'en propose Michael Porter dans son livre Competitive Advantage [3] . En voici une représentation qui nous permet de la rapprocher des schémas qui vous sont proposés ici :
C'est une vue plus détaillée et qui nous montre effectivement les activités spécifiques où les Transformations Digitales doivent opérer. J'ai utilisé des pictogrammes pour que vous compreniez bien la relation entre les schémas de Porter et ceux qui sont proposés dans L(i)VID et qui correspondent mieux à ce qu'un département informatique va comprendre par Opérations et partant Ops dans DevOps.
Activités primaires
Pour bien comprendre ce que Michael Porter entend par chaque bloc des activités primaires, il est nécessaire d'en fournir les définitions:
- Inbound Logistics ― Logistique de réception : les activités liées à la réception, au stockage et à la la diffusion des intrants du produit, tels que la manutention, l'entreposage, le contrôle des stocks, la programmation des véhicules et les retours aux fournisseurs.
- Operations ― Opérations : les activités associées à la transformation des intrants en produit final, telles que comme l'usinage, l'emballage, l'assemblage, l'entretien des équipements, les essais, l'impression et l'exploitation des installations.
- Outbound Logistics ― Logistique de sortie : les activités liées à la collecte, le stockage et la distribution physique du produit aux acheteurs, tels que l'entreposage de produits finis, la manutention, l'utilisation de véhicules de livraison, la commande le traitement et la programmation.
- Marketing and Sales ― Marketing et ventes. Les activités associées à la fourniture d'un moyen par lequel les acheteurs peuvent acheter le produit et les inciter à le faire, par exemple par le biais de la publicité, promotion, force de vente, devis, sélection des canaux, relations avec les canaux, et la tarification.
- Service ― Service: les activités liées à la fourniture de services visant à améliorer ou à maintenir la valeur du produit, comme l'installation, la réparation, la formation, les pièces l'approvisionnement et l'ajustement des produits.
Il s'agit-là de tous les points de contact des Transformations Digitales[4] . On les retrouve ramassées dans la vue que nous en offrons au travers des 5 piliers.
À titre d'exemple de ce qu'une transformation digitale doit aborder est la question de la distribution de ce qui a été produit. Nous en parlons sur la page consacrée aux canaux de distribution. En voici néanmoins un schéma de rappel que les chefs de projet trouveront probablement intéressant car dépassant largement ce qu'il est commun d'appeler rollout:
Activités de soutien
Quant aux activités de soutien elles doivent être comprises comme des activités transverses qui ne sont pas étrangères non plus aux Transformations Digitales. Il n'y a donc aucun territoire réservé ! Par contre, les Transformations Digitales sont des transformations en profondeur qui demandent un travail au long cours, établi donc dans la durée et dans la transformation de fond.
Les définitions de Porter vérifient et confirment le schéma des connexions internes. Comme l'établissement de la colonne vertébrale est une question d'IT en tant que point de départ, l'IT devient également le bulbe rachidien de l'organisation :
Canaux de distribution
Une petite mise en exergue me semble appropriée. Je la ferai sur le sujet des canaux de distribution, ce qui se retrouve dans le schéma de Porter dans ce qui est dévolu au marketing et à la vente.
Ayant eu à diriger une Transformation Digitale pour un syndicat, j'ai pu me rendre compte que les canaux de distribution des services rendus par l'IT étaient peu connus et jamais surveillés/contrôlés.
La nature même des canaux de distribution varie fortement. Dans le cas de ce syndicat, les services se rendent directement par contact humain (le représentant syndical), par les bureaux implantés aux quatre coins du pays, similaires à des agences dans le monde bancaire, et par Internet via un portail spécifique. Le syndicat ne possédait aucune donnée statistique utilisable lui permettant de prendre la mesure exacte du succès d'un canal ou d'un autre. Cet aveuglement statistique ne permet évidemment pas d'action ciblée sur une base scientifique sérieus ce qui m'a porté à recommander de pouvoir mesurer le degré de fréquentation de chaque canal comme première mesure.
À l'heure où j'écris ces lignes il ne m'est toujours pas possible de détecter les connexions effectuées au départ de périphériques mobiles. Cette ignorance ne permet pas, par exemple, d'envisager l'urgence exacte de disposer de la possibilité de signer digitalement des documents importants comme des déclarations de situation familiale, des demandes de chômage temporaire, des modifications de carte d'identité, etc. sur les périphériques caméléons que sont les smartphones par exemple.
La connaissance parfaite de ses canaux de distribution ou de ses canaux de communication et, partant, leur mesure est affaire essentielle dans l'établissement de cette colonne vertébrale dont nous traitons ici. Nos amis flamands disent Meten is weten. [5]
Système de valeur
Porter distingue chaîne de valeur et système de valeur, ce dernier englobant le premier et lui adjoignant la chaîne d'approvisionnement, c'est-à -dire les chaînes de valeur des fournisseurs, les chaînes de valeur des canaux de distribution, et les chaînes de valeur des clients (acheteurs), puisqu'au final l'entreprise peut très bien être le fournisseur d'une autre.
Au final il existe donc une forme de flux où s'attèlent les chaînes de valeur en amont de l'entreprise (upstream value), la chaîne de valeur de l'entreprise et les chaînes de valeur en aval de l'entreprise (downstream value).
La colonne vertébrale digitale qu'une Transformation Digitale doit mettre en place se donne pour objectif de connecter tout ce petit monde; c'est ce qu'exprime le schéma suivant où se mélangent upstream et downsteam:
Cependant, la Transformation Digitale ne se limite pas à la mise en place de la colonne vertébrale digitale qui ne doit être vue que comme un câblage au travers duquel passent de multiples impulsions. La Transformation Digitale doit susciter une réflexion profonde en prenant pour cible le fonctionnement de tout le système de valeur, bien au-delà donc de la seule chaîne de valeur. C'est très précisément le lieu de l'innovation qui, je le rappelle, ne concerne pas uniquement — loin s'en faut — la seule innovation technologique. C'est là le sens profond du livre "Innover ou disparaître" d'Olivier Laborde qui nous donne de nombreuses pistes de pouvoir connecter l'entreprise à son environnement notamment au travers de l'Open Innovation.
Une mission difficile
Connecter l'entreprise, upstream et downstream, est une mission difficile. C'est une étape qui n'apparaît idoine que lorsque la colonne vertébrale a déjà réussi à connecter quelques organes internes.
Peuvent se conjuguer une série de force contraires souvent propulsées par des positions de pouvoir dont les détenteurs craignent d'être dépouillés. Il faut pouvoir anticiper ce genre de situation et les débloquer ce qui requiert souvent des trésors de patience et de psychologie.
Au sein du syndicat où j'ai eu l'honneur d'œuvrer en qualité de Digital Transformation Manager il nous était par exemple interdit d'entrer en contact avec des intervenants capitaux de notre système de valeur : l'ONEM et l'InterOP [6]
Cette interdiction et le respect strict d'une chaîne de commandement ne nous permettaient pas de nous synchroniser techniquement avec les organismes extérieurs partageant notre écosystème. Ce fut extrêmement dommageable pour étendre les services que pouvait offrir le syndicat à ses membres, tout particulièrement en cette période difficile que nous avons connue avec la Covid-19, services pourtant très attendus.
Ce que nous enseigne cette expérience est qu'en matière d'innovation il est nécessaire d'établir de nouvelles règles et qu'il doit être possible, tout en respectant une stricte gouvernance, de se dédouaner de contraintes. C'est tout l'aspect que nous couvrons de manière générique en parlant de cocon, une structure qui abrite la Transformation Digitale et qui la protège du reste de l'organisation comme son nom le suggère.
Value Streams et portfolios
Les entreprises mono-produit
To be continued
Les entreprises multi-produits
To be continued
Footnotes
[1] … Pour les responsables informatiques, sachons qu'un programme qui n'est pas atteint la production n'a, stricto sensu, aucune valeur. La même conclusion est tirée par les comptables.
[2] … J'en profite pour indiquer que je préfère Kanban à ces méthodes parce qu'au-delà de la seule étape de construction, Kanban envisage le cycle de vie complet d'un produit et donc sa maintenance et son évolution futures
[3] … Porter, Michael E.. Competitive Advantage: Creating and Sustaining Superior Performance. Free Press.
[4] … C'est aussi des endroits possibles où il s'agit de pouvoir mettre le pied de biche dont je parle dans la page d'accueil de ce site quand il s'agit de trouver par où commencer une transformation digitale. De même, les activités de soutien peuvent servir de
[5] … Mesurer est savoir
[6] … L'ONEM est une institution publique de sécurité sociale belge qui gère le système d'assurance-chômage ainsi que certaines mesures pour l'emploi. Il est aussi compétent pour le système d’interruption de carrière et de crédit-temps.
L'interOP échange directement des données avec l'Extranet de la Sécurité sociale, l'Office national de l'Emploi et les 4 organismes de paiement des allocations de chôamge : CAPAC, CGSLB, CSC et FGTB.